Le jour où les députés ont voté la loi sur la création architecturale

Voilà quelques semaines que la pression montait par rapport à ce texte subversif, et ça y est, c'est fait, les députés ont voté pour l'abaissement du seuil de recours à un architecte à 150m² (au mieu de 170), l'obligation de recours à un architecte pour les permis d'aménager, etc. La loi n'est pas encore d'actualité pour autant (on légifère lentement en France...), mais elle suscite déjà beaucoup de controverses chez les constructeurs de maisons individuelles et les particuliers.

J'avoue que la lecture de certaines réactions d'internautes sur les sites spécialisés me laisse dubitative. Les gens voient les architectes comme des voleurs: "obliger les gens à payer plus cher, sans contre partie, ça s'appelle du vol", des bons à rien: "Les architectes contemporains sont les premiers enlaidisseurs de France", "En dehors de l'architecture, les archis n'apprennent pratiquement rien à l'école. Alors, messieurs les architectes, ne vous comparez pas avec vos confrères belges, allemands etc ... Ils sont bien plus compétents que vous."

Vraiment, j'ai l'impression de m'en prendre plein la figure pour pas un rond!

Alors, sur l'aspect peu "technique" des études d'archi en France, j'avoue que j'ai toujours eu tendance à confirmer. Lorsque j'ai choisi la voie de l'architecture (au grand désespoir de mes parents!), j'ai eu l'occasion de visiter et étudier les programmes de différentes écoles et j'ai choisi d'étudier en Belgique où les cours de construction, résistance des matériaux, stabilité, mécanique, n'étaient pas optionnels (contrairement à la France!!! - à l'époque en tout cas). Cependant, c'est à mon avis également l'expérience acquise au cours des stages qui permet de forger le futur professionnel, et cela dans n'importe quel domaine, ce qui ne dépend pas des études mais de la volonté de l'étudiant à acquérir des compétences en dehors des heures de cours.

Puis dans la vie professionnelle, l'architecte doit se tenir informé de toutes les évolutions techniques, règlementaires, architecturales, et continuer chaque jour à développer ses connaissances et son savoir-faire.

Sur l'aspect financier du recours à un architecte, il est indéniable qu'un constructeur propose des modèles de maisons sur "catalogue" mais si vous lui demandez une maison un peu particulière, il vous facturera les heures passées à dessiner de nouveaux plans. Ce sera probablement masqué dans le coût global mais ne vous y trompez pas, les constructeurs ne sont pas philanthropes! Et puis, vous ne m'ôterez pas de l'idée que c'est complètement aberrant de poser une même maison toute faite sur des terrains différents par l'orientation, l'emplacement, l'environnement, le relief, ça va a l'encontre des principes bioclimatiques élémentaires!

En revanche, sur l'aspect esthétique de l'architecture, les avis divergeront toujours. Mais dans l'ensemble, en Belgique où le seuil minimal est de 10m², la qualité architecturale, notamment des maisons, me parait nettement supérieure à la France. Il est probable que les architectes en France soient victimes des caprices de certaines stars de l'architecture qui réalisent de véritables oeuvres d'art, pas toujours au goût du grand public, et qui ont pour ce faire le droit d'exploser les budgets sous prétexte qu'elles ont la notoriété et les appuis politiques. Mais le quotidien d'une petite architecte de province est bien loin de cette réalité!

Bref, je ne sais pas si cette loi est une bonne ou une mauvaise idée parce que pour moi chaque projet amène l'architecte à vivre une relation avec son client pendant plusieurs mois, voire années, et si cette relation est subie par la contrainte et non librement conssentie dans un climat de confiance, ça n'augure rien de bon...

Mes sources:

http://www.batiactu.com/edito/loi-creation-architecture-depuis-1977-on-n-a-jamais-42359.php?page=2

http://www.lemonde.fr/architecture/article/2015/10/02/l-architecture-fait-sa-loi-brique-par-brique_4781564_1809550.html

http://www.lemoniteur.fr/article/loi-creation-architecture-et-patrimoine-les-deputes-votent-le-6-octobre-30086055